Après 3 EP et d’innombrables dates, Hermetic Delight revient avec un 1er album F.A. Cult, produit par Charles Rowell (Crocodiles) sur les conseils artistiques amicaux d’Anna Calvi.
Nous avons posé quelques questions à ce quatuor de rock indé Strasbourgeois des plus prometteurs.
Salut les Hermetic Delight, pourquoi avoir attendu plus de 10 ans pour sortir votre premier album ?
C’est notre premier album mais ce n’est pas notre premier disque. Nous avons sorti 3 EPs, nous avons vécu une séparation (avec l’un des membres du groupe) et nous avons fait une bonne centaine de concerts. Le fait de mettre de l’énergie dans nos précédents EP’s nous a permis d’en apprendre davantage sur nous-mêmes et nous a préparé pour F.A. Cult. On a pris notre temps, un temps nécessaire pendant lequel nous étions actifs.
"On était dans un état d'esprit positif et on a gardé cette ambiance tout au long du processus de création."
Quel était votre état d'esprit au moment d'écrire cet album ?
On se sentait hors de notre zone de confort, mais portés par la volonté de créer quelque chose de fondateur pour nous. C’est peut-être pour se réconforter que nos chansons sont plus optimistes que celles de nos disques précédents ? On savait aussi ce qu’on voulait. La perspective de produire l’album avec Charles Rowell (du groupe américain Crocodiles) nous a confortés et encouragés car on était raccords sur l’esthétique du projet. On était dans un état d'esprit positif et on a gardé cette ambiance tout au long du processus de création.
Comment se sont déroulés l'écriture et la composition des titres ?
La plupart des textes ont été écrits par Zeynep. La plupart des instrumentaux ont été imaginés par Atef. Mais tout ce qu’on ramène est jeté dans l’arène collective du groupe, et on décortique tout en répétant ensemble.
Comment s’est passé le travail avec Charles Rowell ? Pourquoi l’avoir choisi lui ?
On a eu beaucoup de chance en tombant sur Charlie. On s’est croisés çà et là, à Strasbourg, à Berlin, puis à Cologne où Hermetic Delight a fait la première partie de son groupe, Crocodiles. Nous n’avions pas prémédité le fait de travailler avec lui, mais c’est une circonstance de bon endroit au bon moment ; l’album était en train de se préparer lorsque Atef est tombé sur lui dans un bar. Il s’était récemment installé en France. On devient super copains, on parle de nos vies, de musique et il s’intéresse de plus près à notre projet. Ça s’est fait en toute simplicité et la collaboration s’est passée à merveille. Aujourd’hui, nous sommes de bons amis. Atef est désormais bassiste de Crocodiles et on parle souvent du futur à la première personne du pluriel.
Pourquoi avoir choisi Rockstarları comme premier single ?
Ce n’est pas une histoire de préférence, plutôt une invitation à basculer. Il y a un avant et un après avec F.A. Cult. Rockstarları, c’est un aller simple, qui, une fois l’album écouté, prend une toute autre dimension du haut de ses airs légers.
Quelques mots sur la cover de l'album ?
À l’image de notre musique, l’arrière-plan rouge nacarat est une couleur forte, intense, vivante mais n’est pas simpliste ni primaire. Le paon est un symbole fort à travers le monde, il représente beaucoup de choses positives. Le fait qu’il s’agisse d’une statue décorative plutôt que de l’animal témoigne de notre volonté de sublimer le banal. La statue du paon est une analogie au fait que nous nous sommes essayés à une sublimation de la pop culture, souvent considérée comme le genre banal de la musique.
C’est Cranes Studio qui a conçu l’artwork. C’est un duo parisien spécialisé dans les expérimentations esthétiques autour du vinyle… On leur doit également un magnifique objet vinyle.
Comment percevez-vous l'évolution de votre musique depuis le début de votre carrière ?
Pas sûr que notre musique ait évolué... On a évolué techniquement, même si la technique n’a jamais été notre priorité car on vient plutôt du punk au sens large. C’est sûrement ce qui a permis d’élaborer notre jeu, de l’étendre vers de nouveaux horizons, peut-être plus riches qu’avant. Notre musique a évidemment changé parce qu’elle change en permanence, mais c’est surtout nous, en tant que personnes, qui avons évolué. Nous et nos relations au sein du groupe. Si on se comprend mieux entre nous, si on détient plus de vocabulaire musical et si on tire des leçons de nos expériences passées, tu peux jouer la même musique et tu constateras qu’elle s’est beaucoup enrichie.
Ce qui n’a pas changé, en revanche, c’est notre son ; il nous est propre depuis le début. Même si on change d'intention, le son garde notre empreinte et c’est touchant lorsque le public le remarque et nous en fait part.
"Un artiste qui ne peut plus se produire en public perd en quelque sorte sa raison d’être."
Comment avez-vous vécu cette récente période de confinement en tant qu'artistes mais aussi sur un point de vue plus personnel ?
En tant qu’artistes, c’est une catastrophe. Nous resterons en état de confinement tant que nous serons privés de concerts. À titre personnel, c’était une période très intéressante. Il est étonnant de constater comme un monde qui tourne au ralenti semble plus humain.
Un artiste qui ne peut plus se produire en public perd en quelque sorte sa raison d’être. Lors d’un concert, le groupe se donne à l’auditeur. C’est un moment privilégié. De nouvelles formes de représentation semblent pourtant émerger de cette période de transition, de belles surprises nous attendent peut-être…?
Durant toutes ces années, y a-t-il une rencontre qui vous a marquée plus qu'une autre ?
On a rencontré quelques artistes qui nous ont marqués et dont la rencontre était mémorable. Il est difficile de ne pas citer Anna Calvi, Charles Rowell ou même Brandon Welchez (son partner-in-crime dans Crocodiles). Il y avait aussi notre quatrième concert il y a quelques années, en première partie de John & Jehn (Johnny Hostile et Jehnny Beth). Jehn nous avait accueillis chaleureusement dans leur loge après le show et nous avait dit : “Il n’y a rien d’autre à faire, il faut juste que vous continuiez.”
Quel est votre rêve le plus fou avec Hermetic Delight ?
Collaborer avec les artistes qu’on aime est très excitant comme idée. Mais faire un concert et remarquer Iggy Pop qui se trémousse dans la foule… Ce serait vraiment fou.
Quel a été votre premier coup de foudre musical ?
C’est une histoire de génération et d’enfance. Pour Atef, il s’agit de Michael Jackson et Nirvana quand il était petit. Par contre, ce sont les Doors qui lui ont donné envie de se mettre à la musique. Pour Zeynep, elle écoutait C.C. Catch et était fan de Samantha Fox et Roxette. Et c’est avec l’album Live Through This de Hole qu’elle a décidé de faire de la musique. Delphine, c’était Depeche Mode et Bob, c’était Pink Floyd.
Votre premier et dernier CD/Vinyl acheté ?
Spice, des Spice Girls comme premier CD pour Atef. Autant dire que c’était sa consécration de mixer F.A. Cult dans le studio où est né leur album. Son dernier vinyle n’est pas vraiment acheté car il vient du label October Tone, et il s’agit du nouvel album de BBCC, Altered States of Consciousness. C’est hyper bien, un peu kraut, un peu prog, dansant-planant et d’ailleurs produit par T/O (Théo Cloux), qui est notre cinquième instrumentiste sur scène.
Zeynep vient de la génération “cassette”. Sa première cassette était Bad de Michael Jackson. Et le premier CD devait être Rarities de Nirvana. Son dernier album acheté est de Pauwels, un groupe de noise qui fait aussi partie de notre label October Tone, et avec lequel on partage notre bassiste Bob.
Quant à Bob, son premier disque était Le Tour de la Question de MC Solaar. Son dernier, Space Is the Key de Slift.
Le premier disque de Delphine était le CD 2 titres de Backstreet Boys, le single Everybody. Et le dernier Primary Colors de The Horrors.
Votre premier et dernier concert en tant que spectateur ?
Le premier concert d’Atef ne devait pas être suffisamment mémorable… Mais le dernier auquel il a assisté était A Place To Bury Strangers à Shanghai.
Le premier concert de Zeynep en tant que spectatrice était un groupe de rock en Turquie, il s’appelle Bulutsuzluk Özlemi. Lors d’une visite à Istanbul, elle marchait avec sa famille dans les rues du quartier Beyoglu lorsqu’elle les a entendus jouer. En tant que fan, elle avait insisté pour aller les voir car ses 13 ans lui interdisaient d’entrer seule dans le bar. Ses parents ont non seulement accepté, mais sont depuis ce jour fans de ce groupe. Même si Zey ne les écoute depuis quelques années, elle les respecte énormément pour leur engagement politique. Il était difficile de s’engager politiquement en Turquie dans les années 90. Son dernier concert auquel elle a assisté était aussi à Istanbul, c’était Thurston Moore en février dernier.
Bob a vu son premier concert à la Laiterie et c’était Matmatah. Atef était avec lui, d’ailleurs. Son dernier concert, c’était Daughters au Luxembourg.
Le premier concert de Delphine était Suicide Commando et le dernier en date John Maus.
Le mot de la fin ?
Merci. Vous êtes plus précieux que jamais à permettre d’exister dans un monde sans concerts.
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